Le premier Mai est passé. Les cerisiers du Japon étaient en fleur, c’était beau.

Le collectif libertaire d’Amiens s’est invité au défilé regroupant centrales syndicales (CGT, FSU, etc.), partis du front de gauche, structures politiques diverses (CDDF, ATTAC, RESF, etc.) et associations. Composée d’environ 200 personnes, la procession fut courte, quelques pâtés de maisons et le cortège était revenu au point de départ, le parc de la Hotoie. Le centre-ville a ainsi été évité tout comme les nombreux badauds auxquels auraient pu être distribués des tracts de propagandes : ouf, la République n’a pas été mise en péril !!! Nous avons tout juste eu le temps de diffuser l’Asticot n°3, spécial premier mai, c’est dire la longueur du trajet.

L’après-midi a été plus généreux, et en musique, à l’ombre des bières fraîches et des merguez grasses, entre les stands des différentes organisations invitées pour l’occasion. Bien loin d’un embrasement révolutionnaire, ce moment fut convivial, instructif et chaleureux comme un PPP après une réunion publique animée.

Autre ambiance, autre public, la veille au soir avait lieu la projection du film La saga des Conti à la salle Orson Welles de la maison de la culture, suivie d’un débat avec le réalisateur et un des principaux acteurs de cette lutte.
Ce film-documentaire présente de manière chronologique et du point de vue des travailleurs la lutte des ouvriers de l’usine de confection de pneus de Clairoix en Picardie menée contre le plan social orchestré par les dirigeants de Continental.

L’ensemble est habilement réalisé et rythmé : la pression, l’urgence de la situation, et les enjeux sont bien montrés. L’usine devient un personnage à part entière, les nombreux plans consacrés aux machines-outils témoignent d’une réelle curiosité pour les procédés de fabrication et soulignent l’importance de la question (de la propriété) des moyens de productions[[Nous avons demandé ce qu’était devenu l’outillage après la fermeture du site. La majeure partie a été envoyée à l’usine de Sarreguemines, qui a depuis embauché 400 ouvriers dans le but de poursuivre la fabrication des pneus initialement produits par les 1200 employés de Clairoix. Quant aux machines prototypes elles ont été transférées en Tchéquie ou en Slovaquie, les techniciens spécialisés manquant localement pour leur installation. Car si l’usine de Clairoix générait du bénéfice, elle était de surcroît une usine pilote.]]. Il y a quelques très beaux moments de solidarité, notamment à l’arrivée des ouvriers français, accueillis par leurs homologues allemands, en gare d’Hanovre. Quant aux manœuvres patronales et politiciennes, elles sont clairement explicitées.

Mais si ce long-métrage a pour mérite principal de présenter un combat géré volontairement en dehors des centrales syndicales, il ne questionne que trop sommairement la nécessité de poursuivre certains types de production (en l’occurence, ici, des pneus).
De même l’utilité du travail n’est pas véritablement remise en cause : le parti pris de garder au montage certaines séquences ambivalentes (notamment celles d’introduction et de fin…) pose le travail comme la condition d’épanouissement de l’individu !
Au final, malgré le courage et la détermination admirable des Conti, ce qui est relaté ici est avant tout l’histoire d’une défaite, la victoire restant du côté du patronat, quand bien même elle lui a coûté quelques millions d’€uros en plus.

Morale en ce début de mois : on réussit plus facilement les merguez que les luttes.

Bernoine